mardi 4 juin 2019

Un coup de massue


Image result for le cri munch





Lesbos, terre des nuits chaudes et langoureuses,

                                             Qui font qu’a leurs miroirs, stérile volupté

                                       Les filles aux yeux creux, de leurs corps amoureuses,

                            Caressent les fruits mûrs de leur nubilité,

                                         Lesbos, terre des nuits blanches et langoureuses.

                                Baudelaire, Les Fleurs du Mal







        La chaleur était infernale dans la chambre de Julie. Celle-ci dormait. Elle était nase. Elle avait passé la nuit avec un satané sadique. A plusieurs reprises, il s’était rué sur elle tel un taureau. Elle ressentait encore des douleurs au dos.                                                                                                       

        Cette chambre était au premier étage d’un hôtel de luxe, Stella. Violaine, la propriétaire l’avait transformé en un véritable bordel. Elle même était une fieffée épicurienne. Deux fois par semaine, avec ses clients les plus privilégiés, elle organisait des orgies. Eros régnait dans sa vie en tyran. Elle avait recruté une trentaine de jeunes filles pour satisfaire la clientèle qui ne tarissait pas. De son proxénétisme, elle avait amassé une fortune considérable.

       Julie était parmi ces ouvrières de Violaine. Dès son jeune âge, elle attirait les regards .Elle connut  la gloire dès son adolescence. A quatorze ans, enfant de septième, elle enflammait le public quand elle montait sur scène. Elle dansait avec une habileté inouïe.

       Des gamins flirtaient avec elle. Ils étaient nombreux qu’elle n’en connaissait le nombre. Chaque dimanche, elle recevait une pluie de cadeaux que les petits amoureux jugeaient bons pour la séduire. Tout cela en échange d’un simple baiser. Ce contact labial était une apothéose pour ces garçons.

        Au fur et à mesure que les années se suivaient, elle changeait sans relâche les héros de ses amourettes. Tous étaient incapables de l’entretenir. Plus elle grandissait, plus elle devenait exigeante.



   A dix huit ans, elle paraissait en avoir vingt. Ses beaux yeux brillaient comme des diamants. Un joli sourire ornait en permanence son visage. Autour du cou, elle portait toujours des chaînettes en or. Avec sa taille mince, son postérieur formait une adorable proportion .Ses belles cuisses jaunâtres qu’elle exhibait en portant des jupettes inspiraient à ceux qui les voyaient les idées les plus obscènes.   

     Le jour où elle se présenta chez Violaine, elle était en détresse. Elle était renvoyée de l’école et son père avait refusé de l’accueillir. En effet, on avait organisé un concours de danse entre classes.  La photo de Julie qu’on avait mise sur l’affiche suffisait pour attirer tout un monde. Ce jour, le spectacle commença à  quinze heures. Pourtant à treize heures la salle était comble. Tout le monde voulait la voir aisément. Les Premières danseuses qui montèrent sur scène lassèrent le public. L’impatience galopait dans les esprits des spectateurs qui voulaient voir leur étoile. Ils criaient sans cesse son nom. Au bout d’une longue heure, elle parût. Un tonnerre d’applaudissement l’accueillit. Elle était en longue robe noire. Une musique rapide retentit. Elle dansa à son tempo, secouant lascivement le buste. Ses admirateurs lui lançaient des billets de banque. Brusquement la musique rapide cessa et commença une mélodie lente. Son visage s’attendrit, ferma les yeux et entrouvrit la bouche. Elle passait avec suggestivité ses doigts menus sur son corps. C’était du vrai strip-tease. Dans la même lenteur elle déboutonna sa robe. La directrice, une sœur puritaine le remarqua. Elle ordonna de tirer les rideaux. Le public qui était hypnotisé se révolta. La sœur fut inflexible.

     Le lendemain, elle fut renvoyée définitivement pour attentat à la pudeur. Chassée du bercail,  elle n’avait plus de choix. Elle alla trouver Violaine. Cette dernière admira son sex-appeal. Elle l’embaucha sans coup férir et lui offrit une chambre gratuitement.      

  •     

       Le réveil sonna. Son petit écran affichait midi. Julie quitta le lit. Elle s’étira et bailla à se casser les mâchoires. Depuis le jour où elle fut au service de Violaine, sa vie était réglée comme du papier à musique. A midi et demie, elle devait être au bar qui se trouvait au rez-de-chaussée. Elle y était serveuse. A partir de dix huit heures, elle quittait l’uniforme de serveuse pour commencer sa vie d’hétaïre.

      Elle prit une douche rapide et chaude. Le maquillage fut long. Elle prit une sacoche pleine de produits cosmétiques, son arsenal. As de la coquetterie, elle s’embellit sans négliger le moindre détail. A la fin, elle était ravissante comme une Grâce. Sa bouche luisait. Ses paupières merveilleusement maquillées au khôl lui donnaient l’air d’une princesse égyptienne.

      En uniforme de serveuse, une jupe noire et chemise blanche, elle se rendit au bar. C’était là le repaire des prostituées; son fief. Elle n’était pas une des bradeuses qui couchaient avec n’importe qui pour une bagatelle. Seuls les grands payeurs pouvaient se la procurer.

     Lorsqu’elle arriva, le bar était bruyant. C’étaient des agents de santé qui étaient en séminaire depuis une semaine. Ce jour était le dernier. Ils voulaient en profiter pleinement. Pendant toute l’après-midi, ils burent à tire-larigot. On eût dit que leurs estomacs étaient les tonneaux des danaïdes.

     Des psitt venant de tous les coins exaspéraient les serveurs. Ces médecins vidaient leurs bouteilles en un laps de temps et demandaient aussitôt des autres.

     Les serveuses étaient mécontentes. Quelques hommes gris les lutinaient. Julie, elle, restait souriante, refusant poliment leurs privautés. A son passage tos les mâles tournaient les têtes pour admirer les fesses qu’elle secouait volontairement. Elles étaient ses armes à séduction massive. Elle avait un beau derrière et tous ces hommes furent unanimes là-dessus. Fatiguée par des multiples va-et-vient, elle s’assit près du comptoir.         

      Un vieil homme, une bouteille à la main, s’approcha d’elle en souriant. Il était à moitié édenté, d’une laideur caricaturale. Il empestait le tabac et l’alcool. La lumière des lampes se reflétait sur sa tête calvitie qui était une clairière dans une forêt de chevelure blanche. Son grand nez aux larges narines le rendait plus repoussant. Ensemble, on eût dit le laid Héphaïstos auprès de la belle Aphrodite. Le vieillard l’approcha davantage et voulut poser ses lèvres sur celles de le jeune fille. Elle esquiva ce baiser. Une âpre nausée lui monta à la bouche. Elle le regarda avec dédain, hocha la tête et partit.

                 



      Quelques minutes après, une dame entra. Elle était charmante. Elle portait une robe union jack et des escarpins rouges. Un parfum suave se répandait autour d’elle. Les hommes la dévoraient des yeux .Aucun d’eux n’osa  l’approcher. Elle inspirait respect. Elle promena son regard comme si elle cherchait quelqu’un. Son regard s’arrêta sur Julie. Elle lui sourit. La serveuse lui rendit son sourire .La nouvelle venue alla vers elle. Elles se présentèrent.

-Pardon madame, dit Julie, vous me….

-Oh non, interrompit Adèle, on se tutoie et appelle-moi Adèle tout simplement.

-Ok, reprit la jeune fille avec un sourire qui découvrit une belle denture. Tu me connais quelque part?

- Je ne crois pas.

-Depuis que tu es ici, chaque fois que je te sers ou que nos regards se rencontrent tu me souris. Peut-être qu’on s’est rencontrées quelque part.

-Je ne crois pas. J’habite à Londres depuis pas mal d’années. Au fait je suis docteur ophtalmologie. Je ne suis revenue au Burundi que la veille du début du séminaire.



        Accoudée sur la table, la tête entre ses mains, Adèle dévisagea Julie.



-En réalité, ajouta-t-elle, tu me plais. Tu ressembles à la fille que j’étais à ton âge.



       La demoiselle sourit. Elle prit ces paroles pour le plus beau compliment de sa vie. L’ophtalmologue lui proposa du champagne. Elle accepta. En attendant qu’on leur apportât le vin, elles se remirent à causer. Heureuse coïncidence, elles trouvèrent qu’elles aimaient toutes la littérature, spécialement celle du dix neuvième siècle. Pour plaire à son amie qui vivait en Angleterre, Julie encensa Emily Brontë et Walter Scott. Pourtant, Adèle adorait les auteurs français. Elle déclara que Le Rouge et le noir était pour elle ce que la bible est pour une religieuse. Elle vanta Chateaubriand et ses yeux devinrent plus moites en parlant d’Atala.



-Ça alors, s’écria Julie, tu dois avoir un cœur amoureux. Tu es mariée?

-Non, je n’ai connu qu’un seul amour. Adolescente, je voyais l’amour à travers les romans que je lisais. Mon cœur brûlait. Le cœur a ses folies. Je suis tombée follement amoureuse de notre cuisinier.



      Elle lui conta ses amours. Elle l’aimait de tout son être. Sa famille avait tout fait pour étouffer cette relation mais en vain. Quelques mois après, elle était grosse. Une fille naquit.



-Où  sont-ils maintenant? demanda la jeune fille qui écoutait le récit religieusement.

-Je m’en fiche. Un jour je l’ai surpris en train de me tromper avec une domestique. On l’a renvoyé le même jour. La domestique aussi. J’étais très en colère. Il s’est moqué de moi, le con. Dès lors je suis devenue…..



       Elle ne finit pas sa phrase. Elle plaqua une main sur sa bouche comme pour s’empêcher de dire une bêtise.



      Ce mot non dit n’était autre que lesbienne. Après avoir été témoin de l’infidélité de l’homme qu’elle idolâtrait, elle se convertit au culte de Sapho. Une grande haine envers les hommes s’implanta dans son cœur. A ses yeux, ils étaient tous des menteurs, des infidèles, des brutes. Elle courut le guilledou et toutes ses aventures étaient féminines.



      Julie l’avait séduite. Dès le premier regard, ce fut le coup de foudre. Depuis une semaine, elle passait des nuits à la désirer. La jeune fille ne soupçonnait  rien.



       On leur apporta le champagne. Toutes étaient des sacrées buveuses. Il ne tarda pas à les émoustiller.



       Adèle mit ses mains sur celles de la donzelle. Elle les caressa doucement. A un certain moment, elle les serra fortement en dardant un regard étrange sur le visage de sa voisine.



       -T’as de beaux yeux, susurra-t-elle. J’aimerais qu’ils me voient en te rendant heureuse.        

  Julie sourit légèrement.

« J’ai gagné », pensa l’autre qui prit ce sourire pour un oui. Elle enleva son pied droit du soulier et le posa sur la jambe de la jeune fille. Avec ses orteils, elle la caressait jusqu’aussi loin qu’elle pouvait.



-Non, non, répétait Julie.

-Du calme, du calme.



      Brusquement, Julie repoussa le pied qui la caressait les mollets.



-Je dois partir, dit-elle en se levant.



      Adèle se leva également et lui barra la route.



-Je sais où tu vas, murmura-t-elle. Je me suis renseignée sur toi.

-Ce n’est pas bien de fouiner dans la vie d’autrui.

-Je l’ai fait parce que tu m’intéresses, c’est tout. Reste avec moi, je te donnerai le double. Ils te donnent combien?



      Elle réfléchit quelques secondes .Elle s’imaginait un prix astronomique pour la décourager.



-J’ai un client spécial aujourd’hui, finit-elle par dire. Il vient chaque dimanche. Il me donne deux cents milles francs.

-Je donne le double, répéta Adèle décidée.



     Un large sourire aux lèvres, la serveuse se rassit. Elle ne pouvait rater cette aubaine pour rien au monde. Adèle déplaça sa chaise et la mit près de celle de sa proie.



 -Tes jambes sont tendres Julien, dit-elle.

-Chut, fit la jeune fille en mettant son index sur la bouche de sa    commensale. Des choses plus tendres t’attendent.



     Adèle ouvrit la bouche et engloutit le doigt. Elle le suça fougueusement. C’était une vraie fellation.



-Oh, marmonna-t-elle, tu portes une belle chaînette. Je peux voir?



     L’adolescente ne pouvait refuser. Adèle tripota la jeannette. Mais, ce n’était pas la petite croix  qui l’intéressait. Elle cherchait la poitrine  qu’elle malaxa frénétiquement. La jeune fille fut toute en chaleur. Une volupté cuisante coulait dans ses veines. Elle mit les mains sur la nuque de sa cliente et attira sa tête vers la sienne. Leurs bouches s’effleurèrent. Elles fermèrent les yeux, ouvrirent légèrement les bouches et s’embrassèrent. Savourant ce baiser, elles entendirent un ramdam. Toutes les personnes qui étaient là les regardaient, étonnées.

 

  -C’est rien, dit Adèle, c’est vraiment rien. Ces machos croient qu’eux seuls peuvent nous rendre heureuses.

-Allons dans la chambre, proposa Julie.

-Tu as raison. Je t’y rejoins. Je dois prendre des trucs d’abord. C’est laquelle?

-Tu me trouveras dans la chambre numéro treize.



        Avant de partir, la gouine lui déposa un baiser sur le front. La jeune fille alla dans sa chambre. Elle se dévêtit, s’étendit sur le lit et attendit sa cliente.

Elle arriva.



-Waouh, s’écria-t-elle en la trouvant en tenue d’Eve. Tu es adorable.



  Elle disait vrai. Elle était exactement dans la posture de la Vénus d’Urbino ses doigts manucurés jouant avec la toison de l’aine. Adèle verrouilla dare-dare la porte et sortit de son sac à main une bougie et une bouteille contenant un liquide rouge. Elle alluma la bougie.



  -Elle est spéciale, dit Adèle, tu sentiras ses effets.



     Elle prit la bouteille, l’ouvrit et dit à Julie de boire deux gorgées.



-C’est quoi? demanda la jeune fille.

-C’est une boisson magique. Elle vient d’Inde. Elle aiguise la libido. Ça sera du Kâma-Sûtra.    



        C’était un véritable philtre aphrodisiaque. Avec ce breuvage, le septième ciel était garanti. Elles passèrent un court moment sans se parler, échangeant un regard chargé de volupté.



       Julie se leva et ôta lentement la robe à la femme en rut. Elle dégrafa son soutien-gorge et le string avec les dents. Elle lécha son corps comme une vache le fait pour son veau. Adèle se mordait les lèvres et poussait des petits cris extatiques. Les mains de l’une voyageaient lascivement sur le corps velouté de l’autre.









      Au bout d’une demi-heure de toutes formes saphiques, elles étaient au bord de l’orgasme. Leur plaisir était à son paroxysme. Leurs yeux avaient rougi, la respiration accélérée.



      Elles étaient maintenant calmes. Le regard de Julie était braqué sur le plafond. Adèle observait les tableaux licencieux accrochés au mur. Sur les uns des couples faisaient l’amour dans la nature. Sur les autres des amoureux le faisaient sur des plages de rêves. On eût dit un musée de la débauche.



      -Tu es formidable, dit Adèle en caressant gentiment la tête de Julie.

      -Toi aussi, fit-elle laconiquement.





          Soudain, l’invertie s’agenouilla devant Julie. Elle joignit ses mains comme une nonne en prière.



    -Je t’en prie, viens vivre avec moi à Londres.

    -Tu es sérieuse là?, cria la jeune fille, folle de joie.

    -Je le suis.



        L’adolescente l’embrassa à lui briser les côtes. Elle se voyait déjà choyée, aimée, adorée par un beau gosse londonien. Elle se présenta comment elle trouverait Westminster, Buckingham Palace et d’autres lieux de Londres qu’elle connaissait de par les livres.



    Cependant, en quelques secondes, son visage pâlit.



     -Non, grommela-t-elle, je ne peux pas.

     -Pourquoi donc?

     -Je ne veux pas être loin de papa.

     -Pourtant il t’a abandonnée.

     -Je garde toujours l’espoir qu’il changera un jour. Maman l’a laissé, moi je ne le ferai pas.

     -Ecoute, j’ai un plan. Nous irons ensemble, j’essayerai de demander pardon pour toi. S’il accepte, on lui expliquera le projet. Je pense qu’avec son accord tu viendras.

      -Tentons le coup. Mais il y a une condition. Si à Londres je trouve un garçon qui voudra m’épouser, tu ne refuseras pas.

-Ne t’inquiète pas pour cela. On ne refera plus ce qu’on vient de faire. J’ai une folle envie de voir un enfant chez moi et puisque je ne veux pas me marier, tu seras ma fille adoptive.







      Lendemain matin elles se rendirent chez Julie. Elles toquèrent. Un homme chauve au visage hâve ouvrit. Il était en short, le torse nu. Ses dents étaient noircies par le tabac, ses lèvres pendantes rougies par l’alcool. Lorsqu’il vit Adèle, il la regarda avec un air bizarre.



   -Je ne veux plus te voir, gronda-t-il en repoussant violement la jeune fille.



      A ces mots le visage d’Adèle changea carrément. La main tremblante et hésitante, elle toucha la nuque du père de Julie. Elle sentit une cicatrice.



-Thomas, lança- t- elle d’une voix sépulcrale, c’est toi?



    Il ne répondit pas. Le regard hagard, il resta interdit.



   Adèle quitta les lieux en pleurant comme une madeleine. Thomas voulut la suivre. Il eut un vertige et s’évanouit. Julie se mit à le réanimer. Trois minutes plus tard, il reprit connaissance.



     -Tu connais cette femme ?s’enquit Julie intriguée.

     -C’est ta mère, murmura-t-il avant de retomber dans les pommes.







.

Quand nous étions de petits marabouts du foot

  La coupe du monde débute à Doha. Les forfaits en cascade me font penser à nos anciens subterfuges de petits footballeurs de bibangano . ...