samedi 4 juillet 2020

Les bus de Bujumbura, hauts lieux de l'ultracrepidarianisme

©Yaga


Chaque fois que je monte un bus, je me sens plus heureux qu’Ulysse dans ses voyages et de loin plus heureux que le pauvre Jason sur les routes de la conquête de la toison d’or. Dans les bus de Buja la belle, la coquette, l’érudite, les chances de rencontrer un Pic de la Mirandole ou un Léonard de Vinci sont statistiquement  dix fois plus élevées que celles de rencontrer un Mohammed dans une rue de  Marrakech. La Mecque des toutologues, quoi.

Un mot, extraordinairement chiant, semble définir cette race de voyageurs. L’ultracrepidarianisme. Oups! il fallait un vraiment que même l’Académie trouve un mot dont la longueur est à l’image même de la grandeur des nommés. À tout seigneur tout honneur.

Revenons sur le mystérieux nom. Pour faire simple, il désigne l’attitude de certaines personnes d’avoir une idée sur tout, vraiment tout, au risque de paraitre cuistre.

Ce penchant peut  virer à la pathologie. Un virus de la modestie, en plus virulent. Tiens, en parlant de virus j’ai récemment eu droit à un cours magistral sur la star du moment, la Covid 19.

Un monsieur apparemment à la lisière de la cinquantaine, confortablement assis sur le siège arrière se lance dans la genèse de ce fichu virus. Cet historien de la médicine pour l’occasion avance plusieurs thèses. Il n’y a aucune raison de se permettre le doute. C’est une arme biologique que les chinois ont inventé pour éradiquer les Africains. C’est indéniable dans la mesure où c’est par le même procédé que les occidentaux ont créées le SIDA pour les mêmes visées. Ahh, les sadico-cyniques!

Une mère assise deux rangées devant notre expert émet une réfutation. Elle ose.

-Mais comment donc ? Ce truc ne tue pas trop d’Africains comparativement aux autres.

Cette objection nous mène à une autre matière. Sans transition comme disent les présentateurs télés.

Séance Histoire de la médecine terminée. Nous entamons un autre cours, Philosophie politique. Chapitre premier, Machiavel pour les nuls. Le titulaire, un vétéran de seize dix sept ans qui tient à préciser en sa présentation l’insoutenable lourdeur de ses galons académiques. Ce creuset du savoir a entendu ce qu’il va nous partager dans une émission présentée par un journaliste rwandais, la coqueluche, le Stéphane Bern de ses followers.

Cela fait de lui quelqu’un qui mérite toute notre attention.

Avec l’assurance d’un professeur émérite qui compte sur la légitimité que peut lui conférer sa longue carrière, il nous explique pendant deux loooongues minutes comment les dirigeants des grandes puissances ne sourcillent pas quand il faut emprunter les chemins les plus vils parce que «  rafé jistif ré mwayé ».

Malheureusement pour nous, le bus arrive déjà au parking. Un autre monsieur allait se lancer dans une masterclass sur une somme théologique. À en croire les points saillants de son savant exposé, il devait nous dire en long et en large comment ce virus est plutôt une punition divine, que c’est une conséquence de la banalisation de l’homosexualité, que nous vivons probablement les derniers jours.

Quel gâchis! cette lumière qui se fond dans la masse humaine qui grouille au centre ville.

Moi qui emprunte un bus qui me laisse à la neuvième avenue de Nyakabiga trois ou au portail du campus Mutanga, je jalouse ce beau peuple de Kanyosha qui prend un temps fou y arriver à Ken City, embouteillages énormes aidant. Un Harvard mobile gratis. Pas étonnant que côté paroles Sat-B tutoie Bob Dylan…

Quand nous étions de petits marabouts du foot

  La coupe du monde débute à Doha. Les forfaits en cascade me font penser à nos anciens subterfuges de petits footballeurs de bibangano . ...