La coupe du monde
débute à Doha. Les forfaits en cascade me font penser à nos anciens subterfuges
de petits footballeurs de bibangano.
Nous avions des moyens efficaces pour nous mettre sous la protection de forces
obscures, nous.
Assis à califourchon sur un tronc
d’arbre, le cérémoniaire apportait le butin de la chasse préparatoire. Ah oui
chaque sacrifice doit avoir une victime expiatoire. Pour nous, c’était des
lézards. Je n’ai jamais compris pourquoi les lézards. C’est u dogme. Les dogmes
sont plus faits pour être crus que compris.
Dans l’avant-midi du jour du
match, c’était la battue. Armés de bâtons, nous faisions le tour de tous les
endroits où les petits reptiles aux pouvoirs magiques pouvaient crécher.
Pendant la saison sèche la chasse était facile. Ils aiment bien se lézarder, ces
lézards. Souvent, la bronzette fatale finissait par un violent coup de bâton
asséné avec une violence inouïe. J’en ai vu quelques uns faire des bonds
incroyables. Ils atterrissaient en
macchabées et étaient placés dans des petits sacs en plastiques, des
escarcelles qui rappelleraient celle de Panoramix cueillant des ingrédients
pour la potion magique.
La chasse finie, direction la
tanière. C’est là où le cérémoniaire œuvre.
Voici notre credo: quand le nom d’un jouer, écrit sur un bout de
papier est englué dans une huile ayant servi à frire un lézard, il devenait nul
une fois sur le terrain. Aussi talentueux puisse-t-il être. Pour catalyser
l’effet, encore faudrait-il jouer avec ce bout de papier attaché à un pied avec
un morceau de tissu rouge. Pour cela une équipe était dépêchée à l’atelier de
couture des bonnes sœurs pour s’y
approvisionner.
Les boites de sauce tomate Salsa
servaient de chaudrons aux petits sorciers que nous étions. La logistique
s’arrangeait à trouver un peu d’huile pour la solution finale. Celle-ci
consistait à plonger dans les boites Salsa remplies à moitié d’huile en ébullition
nos boucs plutôt lézards émissaires.
Ne le faisant pas pour
« Parlons cuisine », « Top chef » ou je ne sais quelle
autre émission culinaire les détails techniques étaient les derniers de nos
soucis.
Il fallait distribuer à chacun un
petit bout de chair mettre dans le tissu rouge. Pas besoin d’attendre une
conférence de presse pour savoir l’équipe qui sera alignée par nos adversaires.
Tout le monde connaissait tout le monde. Les plus géniaux et les pieds carrés,
tous les joueurs y passaient.
Mais tout cela deviendrait vain
si nous n’avions pas le graal. Notre pierre philosophale que de petits bestiaux
nous offraient généreusement. Nyamugegena, ça s’appelle. Une sorte de château
fort en bouts de bois que se construisent les chenilles pour leurs mues. Là,
point de doute, avec Nyamugegena dissimulé à côté d’un poteau, nous avions la
protection de tous les dieux du foot.
Efficace ou pas? Je n’en
sais rien. Si on perdait, c’est que les autres bakaranze kudusumvya. Mais nous avions une bonne équipe. Noel dans
les buts, c'était un mur. Neph en défense, un rempart. Au milieu, Wilson ou
Zidane, le génie. Samuel, lui, venait d’une planète. On disait à nos
adversaires qu’il pouvait tirer un
corner et venir marquer lui-même dans la tête. Une prouesse que même les
concepteurs d’Olive et Tom et Shaolin Soccer n’ont pas osée...Ils n'ont pas connu bakaranga. Les pauvres.
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