dimanche 20 novembre 2022

Quand nous étions de petits marabouts du foot

 



La coupe du monde débute à Doha. Les forfaits en cascade me font penser à nos anciens subterfuges de petits footballeurs de bibangano. Nous avions des moyens efficaces pour nous mettre sous la protection de forces obscures, nous.




 Dans le secret des bosquets, nous préparions nos matchs avec la dernière des minuties. Comme les cardinaux en conclave, nous priions poliment aux petits –les petits, enfin, le plus vieux entre nous avait à peine la douzaine révolue- de prendre congé. C’était notre extra omnes. La mission qui nous attendait était une affaire de grands.

Assis à califourchon sur un tronc d’arbre, le cérémoniaire apportait le butin de la chasse préparatoire. Ah oui chaque sacrifice doit avoir une victime expiatoire. Pour nous, c’était des lézards. Je n’ai jamais compris pourquoi les lézards. C’est u dogme. Les dogmes sont plus faits pour être crus que compris.

Dans l’avant-midi du jour du match, c’était la battue. Armés de bâtons, nous faisions le tour de tous les endroits où les petits reptiles aux pouvoirs magiques pouvaient crécher. Pendant la saison sèche la chasse était facile. Ils aiment bien se lézarder, ces lézards. Souvent, la bronzette fatale finissait par un violent coup de bâton asséné avec une violence inouïe. J’en ai vu quelques uns faire des bonds incroyables. Ils  atterrissaient en macchabées et étaient placés dans des petits sacs en plastiques, des escarcelles qui rappelleraient celle de Panoramix cueillant des ingrédients pour la potion magique.

La chasse finie, direction la tanière. C’est là où le cérémoniaire œuvre.  Voici notre credo: quand le nom d’un jouer, écrit sur un bout de papier est englué dans une huile ayant servi à frire un lézard, il devenait nul une fois sur le terrain. Aussi talentueux puisse-t-il être. Pour catalyser l’effet, encore faudrait-il jouer avec ce bout de papier attaché à un pied avec un morceau de tissu rouge. Pour cela une équipe était dépêchée à l’atelier de couture des  bonnes sœurs pour s’y approvisionner.

Les boites de sauce tomate Salsa servaient de chaudrons aux petits sorciers que nous étions. La logistique s’arrangeait à trouver un peu d’huile pour la solution finale. Celle-ci consistait à plonger dans les boites Salsa remplies à moitié d’huile en ébullition nos  boucs plutôt lézards émissaires.

Ne le faisant pas pour « Parlons cuisine », « Top chef » ou je ne sais quelle autre émission culinaire les détails techniques étaient les derniers de nos soucis.

Il fallait distribuer à chacun un petit bout de chair mettre dans le tissu rouge. Pas besoin d’attendre une conférence de presse pour savoir l’équipe qui sera alignée par nos adversaires. Tout le monde connaissait tout le monde. Les plus géniaux et les pieds carrés, tous les joueurs y passaient.

Mais tout cela deviendrait vain si nous n’avions pas le graal. Notre pierre philosophale que de petits bestiaux nous offraient généreusement. Nyamugegena, ça s’appelle. Une sorte de château fort en bouts de bois que se construisent les chenilles pour leurs mues. Là, point de doute, avec Nyamugegena dissimulé à côté d’un poteau, nous avions la protection de tous les dieux du foot.

Efficace ou pas? Je n’en sais rien. Si on perdait, c’est que les autres bakaranze kudusumvya. Mais nous avions une bonne équipe. Noel dans les buts, c'était un mur. Neph en défense, un rempart. Au milieu, Wilson ou Zidane, le génie. Samuel, lui, venait d’une planète. On disait à nos adversaires qu’il  pouvait tirer un corner et venir marquer lui-même dans la tête. Une prouesse que même les concepteurs d’Olive et Tom et Shaolin Soccer n’ont pas osée...Ils n'ont pas connu bakaranga. Les pauvres.

 


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